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Solarpunk, la révolte optimiste

Dernière mise à jour : 8 avr.


drapeau solarpunk jaune et vert avec un demi soleil et un demi engrenage au cente
Drapeau solarpunk

Il y avait déjà le cyberpunk et ses divers sous-genres steampunk, dieselpunk, biopunk et autres nanopunk et dreadpunk. L'invention du terme "solarpunk" est attribué au blog Republic of Bees, dans un article daté de 2008 sur le Beluga Skysails, un cargo expérimental se déplaçant grâce à un cerf-volant. A l'inverse des autres dérivés en "punk", le solarpunk est plus qu'un simple concept esthétique ou nouveau genre de fiction spéculative. Le solarpunk est à la fois un mouvement artistique et littéraire, mais aussi et c'est bien ce qui le distingue du lot des autres machins punks, une révolte positive, une utopie réalisable, oui vous avez bien lu une "utopie réalisable".



Pourtant, difficile d'imaginer un avenir souriant en 2025 quand se profilent à l'horizon changements climatiques, désastres écologiques, surpopulation, crises énergétiques et guerres de diverses intensités à travers le globe. Progrès technologique et croissance forcenée se sont révélés incapables de réguler les effets destructeurs d'une économie néolibérale mortifère en roue libre. Le modèle occidental basé sur la consommation insouciante, l'abondance et le confort est dans l'impasse. Le futur se transforme inéluctablement en l'une de ces dystopies cyberpunk contrôlée par des méga-corporations inhumaines et des gouvernements totalitaires, avec en perspective finale, l'anéantissement nucléaire, le chaos environnemental voir une apocalypse zombie. Le "no future" des punks de 1977 est en passe de devenir notre réalité à moins qu'un changement radical de nos manières de vivre n'esquisse une voie vers un autre avenir. Et c'est bien de la pérennité de l'humanité dont il est question ici. Car il nous faudra bien trouver d'autres perspectives pour continuer ou pour le moins espérer qu'il est encore possible de continuer, penser le monde d'après sans reproduire les mêmes erreurs pour éviter le mur devant nous. Bref, en finir avec le capitalisme, le consumérisme, les nihilismes de droite et de gauche et l'anthropocène. Il nous faudra piocher dans ce qui est beau, pratique, durable, respectueux de l'environnement, en finir aussi avec les Etats et les politiques abstraites, re-territorialiser les espaces au sens deleuzien, revenir aux communautés de vie, réaliser cet inévitable changement anthropologique salvateur. Et c'est là qu'intervient le mouvement solarpunk !


"un solarpunk c'est comme un hippie avec un autre nom" (dixit un vieux routard revenu de Katmandou).


Oui mais pas uniquement ! A l'origine sous-genre de la science-fiction (le premier recueil de sci-fi solarpunk paraît en 2012 au Brésil*), le solarpunk s'étend rapidement à d'autres formes d'expressions : jeux vidéos (le jeu de survie en ligne solarpunk), graphisme (l'illustrateur belge Dustin Jacobus), l'architecture (voir les travaux de Vincent callebaut ou Luc Shuiten), la musique (les labels Global Pattern) ou la mode, avant d'évoluer en un véritable mouvement activiste contreculturel.

L'esthétique solarpunk s'inspire à la fois des courbes florales de l'Art Nouveau, des vitraux polychromes, de l'architecture post-apocalyptique recyclée ville durable ou des forêts urbaines. Pour résumé, lumières multicolores, jardins luxuriants et ruines réaménagées. Le solarpunk recycle, embellit pour rendre la vie plus agréable, fonctionnelle et résiliente. Finis les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), les méga-industries et le gaspillage des ressources ! le solarpunk se concentre sur les énergies renouvelables, panneaux, toits et routes solaires principalement, mais aussi éolien, biomasse, géothermie. En parallèle, le capitalisme et le consumérisme disparaissent au profit de modes d'organisations décentralisés et de partage des ressources et connaissances (fablab, culture makers, DiY)*, favorisant les circuits-courts, les petites entreprises, l'artisanat et les boutiques. En d'autres termes, une économie postcapitaliste proche de l'écologie sociale et du municipalisme développés par Murray Bookchin*.



vue générale d'immeubles biomimétiques sur lesquels poussent des arbres et de la végétation
Bâtiments biomimétiques ©

Pour autant, le concept solarpunk n'implique pas un renoncement aux technologies ou un retour à une simplicité imposée par des menaces d'effondrement systémique ou de collapsus environnemental. Le solarpunk prend le contrepied des théories survivalistes, écofascistes ou apocalyptiques pour mettre en avant les énergies propres, les technologies électroniques utiles et durables à faible consommation, les réseaux sociaux décentralisés comme la structure en fediverse Mastodon https://www.ratpress.net/post/mastodon-le-r%C3%A9seau-alternatif.



trois garçons et deux filles marchant de face dans une rue et habillés de vêtements verts et ocres dans le style solarpunk
Style vestimentaire solarpunk ©

L'avenir solarpunk est donc voué aux hélices à pédales, aux cargos à voiles, au ballons d'hélium, aux forêts verticales, à la récupération des eaux de pluie. Cette transition vers les énergies renouvelables modifiera immanquablement notre façon de nous déplacer vers plus de piétonnisme, de vélo, de transports collectifs (les tramways), mais aussi vers les dirigeables et les voiliers. Elle influera sur notre production alimentaire grâce au jardinage, aux serres communautaires, aux fermes urbaines ou à la permaculture.

Quant à la mode solarpunk, elle s'inspire directement d'une société ou l'art et la créativité sont considérés comme intrinsèques à l'épanouissement humain. Elle est un mélange de matériaux écolo-éthiques, de tissus bariolés, d'accessoires survivalistes, empruntant à la fois au grunge négligé, à la déglingue punk et au flower-power revisité.



"Solar" fait donc bien évidemment référence à l'énergie solaire et plus généralement aux énergies renouvelables. "Punk" est un rappel à la contreculture des 70's, au Do it Yourself, aux écopunks des années 80/90. Le solarpunk est un mouvement contestataire et un activisme positif proposant un modèle de société résilient et inclusif où toutes les identités, genres et croyances ont leur place, quelque chose comme la fusion de la low-tech, des cultures hydroponiques urbaines, des bâtiments biomimétiques avec le communalisme libertaire. Bienvenue dans un futur super cool ! Et si vous n'aimez pas le soleil, vous pouvez toujours devenir lunarpunk.


Un Manifeste Solarpunk

Le Solarpunk est un mouvement qui englobe fiction spéculative, art, mode et activisme. Il cherche à répondre et à incarner la question “à quoi ressemble une civilisation durable et comment peut-on y parvenir ?”

 Les esthétiques du Solarpunk mêlent le pratique à l’esthétique, le bien conçu au vert et luxuriant, le brillant et coloré au terreux et solide.

 Le Solarpunk peut être utopique, simplement optimiste ou même s’intéresser aux luttes vers un monde meilleur, mais jamais être dystopique. Alors que notre monde devient de plus en plus tumultueux, nous avons besoin de solutions, pas de simples avertissements.

Des solutions pour prospérer sans combustibles fossiles, pour gérer équitablement la véritable pénurie et partager l’abondance au lieu d’alimenter une fausse pénurie et une fausse abondance. Être bons les uns avec les autres et avec la planète que nous partageons.

Le Solarpunk est à la fois une vision du futur, une provocation réfléchie, une manière de vivre et un ensemble de propositions pour y parvenir.

  1.  Nous sommes solarpunks parce que l’optimisme nous a été volé et que nous cherchons à le récupérer.

  2. Nous sommes solarpunks parce que les seules autres options sont le déni et le désespoir.

  3. L’essence du Solarpunk est une vision de l’avenir qui incarne le meilleur de ce que l’humanité peut accomplir : un monde post-pénurie, post-hiérarchie, post-capitalisme où l’humanité se considère comme une partie de la nature et où les énergies propres remplacent les combustibles fossiles.

  4. Le “punk” de Solarpunk désigne la rébellion, la contre-culture, le post-capitalisme, le décolonialisme et l’enthousiasme. Il s’agit d’aller dans une autre direction que la conventionnelle, qui est de plus en plus alarmante.

  5. Le Solarpunk est un mouvement autant qu’un genre : il s’agit non seulement des histoires, mais aussi de la manière de les rendre réelles.

  6. Le Solarpunk embrasse diverses tactiques : il n’y a pas une manière unique d’être solarpunk. À la place, diverses communautés de par le monde en ont adopté le nom et les idées et ont bâti des petites niches de révolutions autonomes.

  7. Le Solarpunk fournit une nouvelle perspective précieuse, un paradigme et un vocabulaire avec lesquels nous pouvons décrire un futur possible. Au lieu d’embrasser le rétrofuturisme, le Solarpunk se tourne entièrement vers l’avenir. Pas un futur alternatif, mais un futur possible.

  8. Notre futurisme n’est pas nihiliste comme le Cyberpunk et évite les tendances potentiellement quasi-réactionnaires du Steampunk : il traite d’ingéniosité, de générativité, d’indépendance et de communauté.

  9. Le Solarpunk met l’accent sur la durabilité environnementale et la justice sociale.

  10. Le Solarpunk cherche à trouver des façons de rendre la vie plus belle pour nous maintenant, mais aussi pour les générations qui vont nous succéder.

  11. Notre avenir suppose la réutilisation de ce que nous possédons déjà et, si nécessaire, sa transformation pour lui donner une autre utilisation. Imaginez les “villes intelligentes” être abandonnées à la faveur d’une citoyenneté intelligente.

  12. Le Solarpunk reconnait l’influence historique que la politique et la science-fiction ont eu l’une sur l’autre.

  13. Le Solarpunk reconnait la science-fiction non seulement comme un divertissement mais aussi comme une forme d’activisme.

  14. Le Solarpunk veut contrer les scénarios d’une terre mourante, d’un insurmontable fossé entre riches et pauvres, et d’une société contrôlée par les corporations. Pas dans des centaines d’années, mais maintenant.

  15. Le Solarpunk c’est la culture maker de la jeunesse, c’est des réseaux et solutions énergétiques locaux, c’est des façons de créer des systèmes autonomes qui fonctionnent. C’est un amour du monde.

  16. La culture Solarpunk inclut toutes les cultures, religions, aptitudes, sexes, genres et identités sexuelles.

  17. Le Solarpunk est l’idée d’une humanité qui atteindrait une évolution sociale qui n’embrasserait pas seulement une simple tolérance, mais également une compassion et une acceptation plus complètes.

  18. Les esthétiques visuelles du Solarpunk sont ouvertes et évolutives. En l’état, c’est un mashup de :

    1. L’âge de la voile et le mythe de la Frontière des années 1800 (mais avec plus de bicyclettes)

    2. La réutilisation créative d’infrastructures existantes (parfois post-apocalyptiques, parfois contemporaines-étranges)

    3. Une technologie appropriée

    4. L’Art Nouveau

    5. Hayao Miyazaki

    6. Des innovations dans le style Jugaad provenant du monde non-Occidental

    7. Des back-ends des techniques de pointe avec des résultats simples et élégants

  19. Le Solarpunk se passe dans un futur bâti en suivant les principes du nouvel urbanisme ou du nouveau piétonnisme ainsi que de la durabilité environnementale.

  20. Le Solarpunk conçoit un environnement construit adapté de manière créative pour tirer parti de l’énergie solaire en utilisant, entre autres, différentes technologies. L’objectif est de promouvoir l’autosuffisance et la vie dans les limites naturelles.

  21. Dans le Solarpunk, nous avons réussi à faire machine arrière juste à temps pour arrêter la lente destruction de notre planète. Nous avons appris à utiliser la science avec sagesse, pour l’amélioration de notre condition de vie en tant que partie de notre planète. Nous ne sommes plus des chef•fe•s suprêmes. Nous sommes des soigneur•se•s. Nous sommes des jardinier•ère•s.

  22. Le Solarpunk :

    1. est diversifié

    2. a de la place pour que spiritualité et science puissent coexister

    3. est beau

    4. peut arriver. Maintenant.


    La Communauté Solarpunk

[Cette œuvre (le manifeste solarpunk ci-dessus) est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.]


Notes

*Ecological and Fantastical Stories in a Sustainable World par un collectif d'auteurs réunissant écrivains, journalistes et ingénieurs publié par Gerson-Lodi-Ribeiro en 2018 par World Weaver Press (il n'existe encore aucune traduction française).

*Fablab et culture maker, réseau international de laboratoires de fabrications permettant l'échange de données et le partage d'outils numériques qui participe à la culture maker (elle-même issue du concept de Do it Yourself).

*Murray Bookchin, philosophe, militant écologiste américain (1921/2006).


Bibliographie

Becky Chambers, autrice américaine de science-fiction solarpunk. Voir son roman "Un Psaume pour les recyclés sauvages" (édition l'Atalante, 2022) et la série "Les Voyageurs" comprenant quatre romans (de 2016 à 2023) aux éditions L'Atalante.

Octavia E. Butler, autre écrivaine américaine de sci-fi féministe (1947/2006) et ses deux romans La Parabole du Semeur et La Parabole des Talents (édition du Diable Vauvert - 2003).

Ernest Callenbach, journaliste et écrivain américain. Voir son roman Ecotopia (Gallimard, 2021), pas vraiment solarpunk puisque écrit en 1975 mais décrivant néanmoins une société solarpunk avant l'heure.


Discographie



pochette album du groupe Khruangbin représentant un ciel multicolore au-dessus de montagnes
Khruangbin "The universe smiles upon you"

Il n'y a pas de mouvement musical solarpunk clairement défini, néanmoins on pourra écouter les production de la scène naturewave et des labels Liminal Garden et Global Pattern (deux compilations en date de 2021, Solarpunk : a possible Futur et Solarpunk : A Brighter perspective disponibles sur Soundcloud).

Voir aussi l'album du groupe écossais The Boards of Canada "Geogaddi" (2002) très solarpunk avec quelques années d'avance.

Enfin j'ai sélectionné le duo israélien Disiac (et son album "Disiac", 2011) et le groupe américain Khruangbin (album The Universe Smiles Upon You, 2015) pour leurs approches musicales éclectiques, colorées, festives et optimistes mêlant sonorités ethniques, surf rock, funk, dub, psychédélisme.



Internet

https://solarpunks.net/, le site de Jay Springett, théoricien du solarpunk, auteur, podcaster, photographe, voyageur et "technosocial strategist".


https://vincent.callebaut.org/, site de l'architecte Vincent Callebaut et ses conceptions 3D d'immeubles biomimétiques.



Dr. Mortmagus (mars 2025)







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