Patrice Herr Sang : Hors Circuits

Patrice Lamarre alias Patrice Herr Sang est sans aucun doute le gendre qu'aucune belle mère ne souhaiterait avoir. En plus d'être anarchiste, punk de la première heure et ancien membre du mouvement autonome des années 70/80, ce monsieur affiche aussi un goût douteux pour les lolitas, les romans d'horreur et le porno gore. Il n'en fallait pas plus pour que RATpress s'intéresse à ce personnage atypique et iconoclaste. Patrice Lamarre s'est fait connaître dès les années 70 comme activiste culturel, titre qu'il revendique lui-même, sous le pseudonyme sibyllin de Patrice Herr Sang. Depuis il a multiplié projets et initiatives dans le domaine des cultures populaires, s'intéressant autant au rock underground qu'aux littératures de gare ou au cinéma de série Z selon les principes du DiY (Do it Yourself).

Patrice Herr Sang est ainsi devenu un incontournable de la contreculture en France. Il a contribué à faire connaître plusieurs courants du rock jusqu'alors inconnus à travers diverses publications parallèles. En 1972, il fonde le fanzine La Nébuleuse Germanique consacré au krautrock. Il participe aux premiers fanzines punks français comme Gare du Nord ou Annie Aime les Sucettes, avant de fonder son propre journal, New Wave, consacré au post-punk.

Dans les années 80, la France est en pleine effervescence musicale et créative. A quelques exceptions près, grands médias nationaux et compagnies de disques passent à côté de cette ébullition. En 1982, Patrice Herr Sang fonde un réseau de vente par correspondance (Al Di La) pour pouvoir diffuser fanzines et disques autoproduits par des dizaines de groupes obscurs qui aboutira au label New Wave records.

En parallèle, il se lance dans l'écriture et fait paraître un livre-témoignage sur le punk français "Vivre pas Survivre", quelques romans d'horreur comme "La galerie des Horreurs" ou "Six cadavres dans un cercle" que seuls les amateurs du genre apprécieront, ainsi qu'un essai sur les lolitas, de Nabokov à Alizée "Les Lolitas, au-delà du Mirroir".

"Vivre, pas Survivre" explore ainsi le vécu d'une jeunesse en perdition à travers le

mouvement punk des années 80, de Paris à Lyon, jusqu'aux banlieues grises des grandes villes polonaises. L'ouvrage est un documentaires sans fioriture, écrit par quelqu'un qui a vécut le punk et en a été un acteur essentiel.

Ses romans d'horreur s'inscrivent dans la droite ligne de la littérature populaire des années 70 (la collection Gore des éditions Fleuve Noire) et du cinéma de genre sanguinolent comme Evil Dead ou Massacre à la Tronçonneuse. Patrice Herr Sang expérimente aussi avec un mauvais goût absolu le cinéma gore en produisant via sa société de production Trash Sedition, des courts-métrages d'horreur mêlant lolita déjantées, musique punk et hectolitres d'hémoglobine (pour associaux et psychopathes frustrés uniquement, NDLR). mais le personnage n'en reste pas là. En 2003, il fonde les éditions du Yunnan, dont l'objectif est de publier des bouquins de poche bon marché d'écrivains alternatifs comme Pascal Tourain (L'Homme tatoué) ou la photographe et écrivaine Alyz Tale (Mon dernier Thé).

L'idée d'écrire un article sur Patrice Herr Sang ne m'a pas parue immédiatement évidente. D'abord parce que la littérature gore et les lolitas ne m'ont jamais passionné et parce que le personnage est suffisamment à part pour n'intéresser qu'un petit nombre d'amateurs du genre. La raison majeure est néanmoins que Patrice Herr Sang est un résistant, adepte du DiY, qui résiste contre vents et marées à la culture dominante, aux multinationales et à la sous-culture que les médias de masse nous servent tous les jours. Et il est fort à parier que la musique punk, les petites filles détraquées et les flots de sang sont de bons moyens pour combattre ce système bien-pensant et consensuel dans lequel nous baignons au quotidien.

Essayez donc de lire "Vivre pas Survivre" ou "Mon Dernier Thé" d'Alyz Tale et allez explorer le site internet Hors circuits http://www.horscircuits.com/ et sa boutique parisienne. Vous y découvrirez sans aucun doute des bouquins improbables, des auteurs hors-normes et des articles étranges sur des sujets tout aussi décalés.

Dr. Mortmagus (février 2018)